Professeur Moriarty (Wikipedia)
Professeur Moriarty (SSHF)
Docteur Holmes et Mister Moriarty
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Araignée, Bête venimeuse, Génie du Mal, Napoléon du Crime, Archi-criminel, Roi des démons... Un portrait bien peu avenant du professeur James Moriarty.
Qui est-il vraiment? Il reste assez mystérieux. Il apparaît pour la première fois dans Le Dernier Problème, publié en 1891. Conan Doyle reprit l'expression de "Napoléon du crime" d'un vrai inspecteur de Scotland Yard qui parlait d'Adam Worth.
Dans la série de Granada, il est évoqué pour la première fois et vu à l'écran (sous les traits d'Eric Porter) dans La Ligue des Rouquins. Mais le premier face à face avec Sherlock Holmes a également lieu dans l’ultime aventure du détective, c’est-à-dire avant sa 'résurrection'. Dans cette histoire, Holmes tente de porter un coup fatal à l'organisation criminelle, puis est obligé de fuir sur le continent afin d'échapper à son adversaire. Moriarty le rattrappe en Suisse et les deux hommes tombent dans les chutes vertigineuses de Reichenbach.
Existe-il vraiment?
La réalité de Moriarty n'est pas certaine. La motivation principale de Conan Doyle, en créant le personnage, était de tuer Sherlock Holmes. Il est bien connu que Le Dernier Problème devait être la dernière histoire du détective. L'auteur pensait rendre sa mort glorieuse auprès des lecteurs, si Holmes, de façon spectaculaire, débarrassait le monde du "criminel des criminels" au sacrifice de sa propre vie.
Le professeur reste un être secret et insaisissable, une "ombre", il se cache et "agit rarement par lui-même", il  "règne sur Londres et personne n’a jamais entendu parler de lui"; "il plane si haut au dessus des soupçons, voire de la critique, il déploie tant de talents dans ses manigances et il sait si bien s'effacer qu'il est difficilement attaquable. " Derrière lui existe une sorte de "puissance occulte".
Moriarty est connu pour être l'ennemi le plus redouté de Sherlock Holmes, car il est son égal sur le plan intellectuel. Holmes dit de lui à Watson "que cet homme devait être placé au même niveau que moi sur le plan de l’intelligence" et il suscite même son admiration "C’est bien là ce qu’il y a de merveilleux et de génial chez cet homme ! "
En fait, Moriarty apparaît comme l'antagoniste de Holmes. Il lui ressemble étrangement, physiquement et intellectuellement.
Comme lui, il est "extrêmement grand et mince". Son visage "glabre, pâle, ascétique" "son front qui s'élance dans une courbe blanche" font écho au "visage étroit" et au "front large" de Holmes. "L'acuité du regard"  et "les yeux profondément enfoncés" du professeur rappellent les "yeux gris et particulièrement vifs et perçants" et le "regard introspectif" du détective.
Comme lui, c’est "un génie, un philosophe, un penseur de l’abstrait doté d’un cerveau de premier ordre". Le criminel le plus redoutable et le plus intelligent qui tisse sa toile dans la capitale britannique. Londres est aussi le terrain de prédilection de Holmes.
Le détective et son formidable adversaire ne seraient que les deux faces d’un seul et même personnage. Dans le combat singulier qui les oppose, Holmes chercherait à tuer son double négatif. Si Holmes souffre de cette ambiguïté interne, il veut détruire cet "autre moi-même".
Si Moriarty est un fantasme, son acharnement est dirigé contre sa "part maudite". Un "côté obscur" qui lui échappe et l'effraie et dont il veut échapper. A plusieurs reprises, Holmes n'hésite pas à utiliser des méthodes illégales et souvent avoue qu'il aurait pu être un grand criminel. Ce dont personne ne doute.
Dans ce cas, son but et sa raison de vivre seraient voué à l’anéantissement du mal qui le hante, en traquant le mal qui ronge  la société. Holmes matérialise ce mal en créant le double infernal de Moriarty et en le dissociant de lui-même, pour qu'il soit encore possible d’en triompher. Il doit lui donner corps, comme il prouve sa réalité à Watson en montrant ses blessures: "Il ne s’agit pas d’un pur esprit, comme vous pouvez le constater, mais d’un être assez solide."
Sans s'être jamais rencontrés auparavant, le détective connaît déjà son adversaire parce qu’il l’a appréhendé en lui-même. "Evidemment vous ne me connaissez pas !" (Moriarty). "Au contraire ! … je vous connais fort bien". (Holmes).
Leur tête à tête est manichéen. Le Bien contre le Mal. Mais ici la destruction de l’un augure la disparition de l’autre.
"Il ne s’agit pas de danger, monsieur Holmes, il s’agit d’une destruction inévitable." ... "C’est un duel entre vous et moi … Et, si vous êtes assez fort pour me détruire, soyez assuré que je serai assez fort pour vous écraser dans ma chute ! " Et Sherlock Holmes de répliquer : "Si j’étais sûr de vous détruire, j’accepterais volontiers, me sacrifiant pour la communauté, d’être détruit, moi aussi ! "
La mort est inéluctable...
Depuis toujours Sherlock Holmes semble hanté par Moriarty et il hante Moriarty.
On ressent pour la première fois la peur de Holmes, que l"on voit frissonner dans l'épisode. Sa peur de mourir, mais aussi sa peur d'être confronté à lui même.  En effet, l’obsession du détective envers son ennemi amène à s’interroger sur sa véritable existence.
A plusieurs reprises, Holmes avoue à Watson que s’il pouvait vaincre cet homme, ce serait l'apogée de sa carrière . Mais une  fois sa mission accomplie, le détective n’aurait plus d’utilité et cesserait d’exister en tant que tel.  "Vos intéressants Mémoires, Watson, prendront fin. Vous n’aurez plus rien à écrire sur moi, le jour où j’aurai couronné ma carrière par la capture ou l’extermination du criminel le plus dangereux et le plus intelligent de l’Europe entière."
Holmes évoque finalement sa disparition prochaine et inéluctable, pressentant que, quoi qu’il fasse, il est condamné à perdre. Il sait qu’en donnant la mort au plus grand des criminels, il se détruira. Sherlock Holmes considère Moriarty  comme "un adversaire qui était mon égal" car il est entièrement et tragiquement lui-même.
Seule une tentative désespérée peut le délivrer et lui apporter la paix.  "Ma vie n’aura pas été complètement perdue. Si elle devait prendre fin ce soir, je pourrais encore considérer mon passé d’une âme égale.
Le choc des titans
 
Moriarty est le génie et l’incarnation du mal. Holmes est l’incarnation et le génie du bien. Dans la confrontation entre Sherlock Holmes et James Moriarty se joue la dualité entre le bien et le mal et celle plus intime du dilemne qui hante Holmes. Les deux titans sont donc condamnés à s’affronter au plus haut niveau.
Le duel final, tel un drame métaphysique se joue dans un décor grandiose et fantastique. L’endroit des chutes du Reichenbach est terrifiant. Le torrent se précipite dans une brèche immense bordée de rocs noirs, acérés et luisants. Une cavité insondable où l’eau tourbillonne et se fracasse. Un gouffre infernal, théâtre des forces démoniaques de la nature. Sherlock Holmes éloigne Watson grâce à une mystification, afin de remplir le pacte passé avec lui-même. Il met en scène sa propre mort et laisse une lettre à son ami fidèle.
 
Le  combat mortel a lieu. L’ange du Bien et l’ange du Mal, les deux faces de Holmes, disparaissent ensemble englouties dans la fureur des eaux.