JEREMY BRETT ÉVOQUE SON AMOUR DU TIR À L’ARC
La star qui tient le rôle principal chez les archers
Ma vie sportive
L’acteur superlimier Jeremy Brett rencontre Graham Bridgstock
Une simple affaire de toxophilie, Holmes !
Élémentaire… Jeremy Brett fait mouche sur scène dans le rôle
de Sherlock Holmes, et aime être en plein dans le mille
quand il se détend loin des feux de la rampe du West End.
Il faut vraiment se concentrer, si vous vous lancez dans le tir à l’arc. Une fois, mon frère John s’est cassé deux dents, il avait tout simplement oublié d’ôter la pipe de sa bouche.
Vous imaginez les gros titres si cela m’arrivait après avoir été élu "Fumeur de Pipe de l’Année 1989" ? Une idée insupportable, n'est-ce-pas ?
Mais des accidents se produiront. Une autre fois, mon frère Michael a touché quelqu’un qui se promenait dans les bois près des cibles.
Le pauvre vieux s’appelait Nunky, et la flèche l’avait atteint au bras. Mais il n’aurait pas pu se montrer plus aimable à cette occasion.
"N’y pensez même pas, mon cher garçon", a-t-il dit en enlevant délicatement la flèche de la manche de son manteau.
Il faut de l’espace pour le tir à l’arc. Il n’y a pas si longtemps, mon frère Patrick et quelques copains tiraient dans son jardin à Elstree, et une flèche est allée tout droit dans la fenêtre de la salle à manger.
Heureusement, le déjeuner était encore au four. Mais la fenêtre était fermée.
Touchons du bois, aucun de mes accidents (nez cassé pendant une lutte dans "Comme Il Vous Plaira", coup d’épée dans l’œil dans "Troilus et Cressida") n’a jamais impliqué le tir à l’arc.
En fait, je n’ai même jamais touché à un arc dans un film ou une pièce, bien que j'adorerais ça.
Toute la famille était toxophilite. En fait, ma mère était un excellent archer et a remporté de nombreux prix.
Elle avait un arc spécial, léger, et en grandissant, j’ai hérité de ses affaires. Rétrospectivement, je devais avoir quatre ou cinq ans quand mon père m’a donné ma première leçon.
Pendant l’entre-deux-guerres, ils avaient acheté une maison dans le Warwickshire, près de Meriden, foyer du club historique de tir à l’arc "Woodmen of Arden".
Ils participaient à des concours de tirs contre les Queens’s Bodyguard for Scotland (*), la Royal Company of Archers.
Mes parents y adhérèrent les premiers. Ensuite, mes frères Michael, Patrick et John sont devenus membres.
Enfin moi - le gringalet de la famille - je suivis leurs traces quand j’eus vingt-et-un ans.
La tenue est vraiment splendide, une queue-de-pie verte à la Lincoln, un gilet couleur chamois avec des boutons dorés, un pantalon blanc, des chaussures blanches et un chapeau de style néo-zélandais avec un revers sur le côté.
Pour mon premier jour, je portais la queue-de-pie de mon frère Michael.
Il est étroit d’épaules, et j’avais dû le faire un peu élargir, je dois admettre que je me sentais un peu gauche, sans compter que j’étais intimidé par l'assemblée. Soyons clairs. Il y avait quelques-uns des meilleurs archers du pays.
Le trac ? Le Président ne voulait pas de ça. "Montre-toi à la hauteur, mon garçon" me dit-il.
Naturellement, je m’étais entraîné comme un fou pour l’occasion.
Tir à 100 yards (91,44 mètres). Je décochai nerveusement la flèche. Elle oscilla dans les airs, et à ma grande stupéfaction, atterrit en plein milieu de la cible.
Non seulement c'était un sacré bon début, mais aussi on me nomma Master Forester dès mon premier jour - un titre qui donne le privilège de s'asseoir à la Table d’Honneur.
Socialement, le tir à l’arc peut être plutôt lourd à supporter. Ce jour-là, on porta douze toasts au déjeuner, et je me souviens avoir titubé après, rassasié de viande de chevreuil et de pudding estival, les joues rosies par le porto, le nez encore frétillant par ma première pincée de tabac à priser.
Parfois, j’adorerais prendre deux ou trois mois de congé au printemps ou en été et aller à Meriden pour tout retrouver, tirer tous les jours.
Hélas, le problème c'est le temps. Si je ne tourne pas un film ou une série télévisée, je suis sur scène (il est actuellement la vedette de la pièce à succès du West End, The Secret of Sherlock Holmes, au Wyndham’s Theatre).
En attendant, je garde la main en m’entraînant à Clapham Common!
La première chose que je fais le matin, est de me glisser hors de mon appartement avec mon arc et mes flèches et de viser un énorme coussin placé au pied d’un arbre.
Au moment où il fait jour, je ne dispose que d'environ 10 minutes avant que les gens ne commencent à arriver. Ensuite, je dois plier bagage, car ça devient dangereux.
Parfois, il y a un vieil homme qui promène son chien et, niblick en main, travaille son chipping (**) au même moment. Il maintient une distance de sécurité et son chien garde un œil méfiant sur moi.
C'est à ce moment que je rentre chez moi pour le petit déjeuner. Je garde mes arcs et mes flèches dans les toilettes.
L’eau courante est indispensable, il leur faut de l’humidité. De temps en temps, je fais couler un bain et je les suspends au-dessus, sur un étendoir pour les laisser s’imprégner.
Le chauffage central peut être merveilleux pour nous quand il fait froid. Mais arcs et flèches le détestent.
(*) Garde personnelle de la Reine en Écosse, la plus ancienne société d’archers en Grande-Bretagne, fondée en 1676 et comptant près de quatre cents membres.
(**) Termes de golf.