RETOUR
La Star de " The Deputy " est terrorisée chaque soir de représentation
 
New York - La terreur se renouvelle  chaque soir pour Jeremy Brett.
 
Il tient le rôle central du drame à succès de Broadway "The Deputy". Son degré d’implication est fulgurant.
 
"Chaque représentation est une expérience personnelle" signale-t-il avec une intensité très directe. "Je suis dans un état d'imprégnation totale. Il y a des moments où je deviens presque hystérique."
 
Brett interprète un jeune prêtre catholique, témoin de la barbarie nazie envers les Juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale, et qui entre en conflit frontal avec le Pape Pie XII à propos du silence du Vatican sur l’extermination de millions de gens.
 
Depuis le début de la pièce à la fin du mois de Février, Brett a perdu plus de six kilos (14 livres) sa digestion est perturbée et il a du mal à dormir tant son sommeil est agité.
 
"Bien des gens m’ont dit d’être objectif " dit-il. "Eh bien, essayez pour voir."
 
Le tourment de Brett se canalise sur la description crue des atrocités allemandes dans le drame - "peut-être le spectre d’Auschwitz m’est-il même apparu".  Il poursuit :
 
"Je suis plutôt une personne idéaliste, qui préfèrerait ne pas croire que la nature humaine ait pu tomber si bas. J'étais très vulnérable aux évocations de la pièce et je ne peux pas m'y habituer."
 
Mais il reconnut que le sujet devait être traité : "En même temps, même si ça peut faire un mal d'enfer et être difficile, de tels sujets doivent être traités si le théâtre doit survivre."
 
A propos de la controverse suscitée dans le milieu religieux, ici en Amérique et en Europe, par The Deputy, Brett déclara :
 
"Tous les soirs, dans la scène avec le Pape, j’ai parfois l’impression que le toit du théâtre est en train de s’effondrer sur moi. J’aimerais que Pie XII soit encore en vie pour se justifier. On ne peut pas condamner quelqu’un pour ces choses qui datent pratiquement d'hier.  Simplement, j'ai peur quand je vois des jeunes de dix-huit ans dans le public. J’espère seulement qu’ils ne pensent pas que ce point de vue de la pièce est le seul qu'il faille entendre."
"L’importance de la pièce est de constamment rappeler les atrocités commises - pour empêcher que jamais de telles choses ne se reproduisent."
 
Brett a reçu chez lui plusieurs témoignages de la capacité de la pièce à provoquer des prises de position. Comme des lettres l’accusant d’être dupe des forces anti-religieuses et des appels téléphoniques de menace.
 
"Un jour ", il raconte un épisode plus effrayant, "je marchais dans la rue quand un homme s'est approché et m’a demandé si j’étais Jeremy Brett."
 
"Après tout, cela fait toujours plaisir de rencontrer un fan. J'ai donc allongé le bras pour prendre la main qu'il me tendait. Toutefois, au lieu de me serrer la main, il m’a tiré vers lui, sur la chaussée. Je ne m'y attendais pas et je me suis affalé devant une voiture qui a freiné juste à temps. "
 
Brett rentrait chez lui en Angleterre, lorsque, après avoir tenu un genre de rôle très différent, The Deputy s’est présenté à lui. Il venait tout juste de terminer la version filmée de "My Fair Lady" où il jouait le dandy sans cervelle qui faisait vainement la cour à Eliza. Auparavant, cet Anglais de vingt-huit ans avait joué Hamlet à Londres.
 
"J’ai été incroyablement chanceux", dit-il à propos de l’éventail de rôles qu’il a à son actif.
 
"J’espère que tout mon travail ne sera pas de la même intensité que "The Deputy", sinon je serais hors-circuit à quarante ans."
 
"Un grand choral de la controverse"
Le 30 Avril 1964, un article dans le Times de San Mateo (Californie) donnait cette description de la pièce et de la prestation poignante de Jeremy :
 
"The Deputy" est une des plus grandes pièces morales que le 20ème siècle a produit... "The Deputy" est un cri contre l'indifférence qui existe en chacun de nous. Brillamment mise en scène, magnifiquement jouée, la pièce tient le public en haleine  pendant trois heures ..."
 
"Brett, un jeune acteur britannique, réalise une performance déchirante dans le rôle du jeune jésuite... qui fait partie de la légation papale à Berlin au début des années 1940. Il apprend que le S.S. Lt. Kurt Gerstein (Thomas A. Carlin), qui a été affecté à Auchswitz, a fait appel au Pape pour qu'il intervienne, mais le nonce papal à Berlin est sans secours. "
 
"Plus tard, il revient dans l'appartement de Gerstein et donne sa soutane et son passeport diplomatique à Jacobson, un juif qui avait trouvé refuge dans le logis. En contre-partie, il reçoit l'étoile jaune de David que tous les juifs doivent porter dans les pays occupés par les allemands. A partir de cet instant, Brett devient maitre de la pièce , mais pas de sa propre destinée. Grand, fragile, il rayonne dans ce rôle "ascétique".
 
"La rencontre finale du Père Fontana avec le Pape, où il épingle l'étoile de David sur sa poitrine et rejoint les juifs italiens fuyant Rome, est électrique."
Articles de Presse
Photo prise par l'agence de presse américaine United Press International (UPI) lors de la manifestation par les catholiques à grand renfort de pancartes très virulentes, le soir de la première représentation du Deputy à Broadway le 26 février 1964.